DES MODES ET DES HOMMES

Si la mode demande une histoire des grands couturiers, le vêtement masculin suscite des guides. Règles de cravate (pli, noeud), de taille (haute, pinces), d’épaule (emmanchure haute, couture romaine ou anglaise). C’est entre ces deux hégémonies que l’historien du vêtement Farid Chenoune pose en 1993 son livre Des Mod es et des Hommes.

Sans préface édifiante, sa force conceptuelle se dispense au fil de l’Histoire qu’il trace. Elle épouse la phrase du tailleur Chevreuil inscrite au dos du livre. Leiris avait dit du vêtement qu’il est une muraille: avec Chenoune, ‘un habit, c’est une idée qui flotte autour du corps d’un homme.’ En 4 sections et trente-et-un chapitres, Chenoune dessine une histoire cosmopolite depuis devenue poncif: le costume naît en Angleterre, et suit Brummel en France. Les formes s’allongent au tournant du siècle, et s’élargissent en son milieu: tweed, flanelle. Les volumes soulignent la fatigue, puis le loisir. Passé aux États-Unis, le vêtement masculin revient en un florilège de mots américains en France: teddys, suits, blazers. Chenoune montre le passage du vêtement à la mode: glissement sans rupture mais sans continuité, étrange contiguïté où le noyau du vêtement masculin se perd sans s’estomper – ‘qui a cassé la machine à désirer ?’, demandent l’historien et l’Express dans les dernières pages du livre. Il est frappant de constater le jeu d’échange international qui fait l’histoire du vêtement masculin: l’homme qui s’habille, l’homme que l’on habille, c’est toujours l’autre.

Chenoune s’est également distingué par son histoire du sous-vêtement féminin. L’histoire du vêtement masculin a longtemps été une sous-histoire. Avec Des Modes et des Hommes, il gagne une unité, perd sa part d’iracontable. Le chercheur clôt élégamment son livre par une exergue:

‘Chacun a ses marottes, écrit Henri Calet en 1950; j’ai celle d’aimer à porter sur moi des vêtements de toute provenance ; je suis partisan d’un certain cosmopolitisme de l’habillement. Cela me rappelle discrètement des voyages, des aventures, des villes et des pays lointains, des amis… Pour le moment, j’ai le complet italien, une chemise (élimée) “made in USA”, des chaussettes marocaines, une cravate suisse, des chaussures égyptiennes. Il se peut qu’à cause de cela j’aie des dehors exotiques. » À qui serait tenté d’écrire un traité de la garde-robe masculine dans l’esprit de cette fin de siècle, la profession de foi d’Henri Calet pourrait servir d’exergue.’

L’histoire du costume, par définition, ne fait toujours que commencer.

ANONYME, le dévouement filial et héroïque de mademoiselle de sombreuil en septembre 1792. circa 1800.

ANONYME, le dévouement filial et héroïque de mademoiselle de sombreuil en septembre 1792. Circa. 1800.

modèle d'ARMANI. 1986-7.

modèle d’ARMANI. 1986-1987.

CARJAT, étienne, phot. BAUDELAIRE, charles, poète. paris. 1861.

CARJAT, étienne, phot. BAUDELAIRE, charles, poète. Paris. 1861.

DELAUNAY, robert, peint. portrait de tristan TZARA, écr. 1923.

DELAUNAY, robert, peint. portrait de tristan TZARA, écr. 1923.

'oxford bags'. circa 1930.

oxford bags’. Circa. 1930.

soirée 'nouvelle-orléans'. saint germain des prés, paris. circa 1950.

soirée ‘nouvelle-orléans’. saint germain des prés, paris. Circa. 1950.

HAMMERSHOI, vilhelm, peint. intérieur avec jeune homme lisant. 1898.

HAMMERSHOI, vilhelm, peint. intérieur avec jeune homme lisant. 1898.

paris. circa 1970.

Paris. Circa. 1970.

VERNET, émile, peint. autoportrait. 1835.

VERNET, émile, peint. autoportrait. 1835.

'zoot-suits'. savoy ballroom, new york. circa 1938.

soirée ‘nouvelle-orléans’. saint germain des prés, Paris. Circa. 1950.

  • DES MODES ET DES HOMMES
    « Chenoune montre comment la mode masculine oscille entre style et fonction, individualité et universalité — une histoire ne fait que toujours commencer. »
  • COTON
    « Doux, mais avec du poids. Décontracté, jamais informe. Il garde la mémoire dans ses plis. »
  • LUCIAN FREUD
    « du costume emprunté au tailleur sur mesure, les choix de Freud en matière de mode ont évolué avec son art »
  • DAVID LYNCH
    « Le plus insolite des américains, le plus américain des insolites, Lynch était un homme d’uniforme. »
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