Baudelaire disait le ‘goût aristocratique de déplaire.’ Lucian Freud, sa fille Bella s’en souvient, ‘avait souvent un glamour, même si parfois il ressemblait à un clochard: des vêtements troués de partout. Quand il portait des costumes de Savile Row et de la flanelle(anglais flannel, du gallois gwlanen, lainage) • tissu fou More grise, c’était toujours avec une écharpe plutôt qu’avec une cravate. Il n’essayait jamais de se fondre dans la masse. Il ne faisait plaisir qu’à lui-même.’
Encore adolescent, il emprunte le costume du père d’un ami: ‘de la flanelle grise, foncée, une rayure craie horrible. On l’appelait ‘Le Costume.’ Il y avait un pub au Shepherd’s Market où l’on m’avait interdit d’entrer. Quand j’ai demandé au videur pourquoi, il ne m’a pas donné de raison. C’est pour ça que j’ai commencé à mettre Le Costume.’
Plus tard, il préfère Huntsman. Son biographe William Feaver note les dates de ses commandes: 1973, 1978, 1993, 1995. Une photo prise en 1975 le montre avec deux de ses enfants, Ali et Rose. Ils portent des salopettes, de la fourrure, les cheveux longs. Freud préfère une mince écharpe blanche et un croisé en flanelle. ‘Les vêtements de mon père sur la photo ont un respect désinvolte des conventions. Même les pantalons à carreaux de cuisine qu’il portait pour travailler – acheté chez Denny’s à Soho, noués à la taille et couverts de peintures – étaient élégants.’ ‘Midi. Il enlève ses pantalons de cuisine derrière une chaise et ressort dans un costume en velourstissu de coton à armure complexe, il se compose d’une arm More côtelé vert.’ Il ne se changeait pas toujours. Carnera, tailleur en chef chez Huntsman, se rappelle avoir trouvé des traces de peinture sur les costumes de l’artiste: son goût le portait vers la flanelle douce, des laines et des worsted; pour les manteaux, du cachemirerégion du nord de l'Inde produisant une laine parmi les plu More ou une épaisse lainefibre à croissance continue d’origine animale (alpaga, ch More. Peu de fentes, peu de rabas, et parfois, pas de poches. Même alors, il ressentait une hésitation quant à porter les costumes immédiatement après les avoir reçus: ‘J’ai des vêtements faits il y a cinq ou six ans, la dernière fois que j’étais chez le tailleur, que je n’ai toujours pas portés. C’est exactement comme…emménager dans un nouveau lieu.’ Plus tard encore, il relâcha la mise, choisissant des cuirs Zilli, des mailles en cotonplante cultivée en amérique du nord dès le xviie siècle More ou ‘shetland’, une écharpe en jacquardmétier à tisser inventé par Joseph-Marie Jacquard au déb More gris ou blanc, d’amples pantalons de travail blancs, et des bottes marrons, sans lacets. Dans Painter Working, Reflection (1992), il ne porte que ces dernières.
Son costume gris frappe ceux qui le rencontrent. Il apparaît dans ses autoportraits: brillant dans Self-Portrait in Reflection (1965), usé dans Self-Portrait (2002). D’après l’un de ses étudiants à la Slade School of Art: ‘On sentait sa présence dans les couloirs du Slade même avant de le voir. Il portait toujours des costumes gris et des chemises blanches et sa ceinture avait toujours l’air très serrée autour de sa taille fine. Je ne sais pas comment, mais il était presque maladivement nerveux et menaçant à la fois. Quand les gens l’imitaient, ils portaient toujours une Gauloise imaginaire à leurs lèvres’ (Freud ne fumait pas).
Il déclare ‘Quand je peins des vêtements, je peins en fait des gens nus recouverts de vêtements.’ Plusieurs portraits sont titrés d’après le vêtement: Man in a Blue Shirt, Girl in a Beret, Man in a Blue Scarf. Lors d’une séance de pose pour ce dernier, Freud est mécontent, répéte ‘Il doit y avoir un problème chez moi aujourd’hui; je ne sais pas pourquoi je n’arrive pas à mélanger ce bleu.’ C’est seulement lorsqu’il rentre chez lui que le modèle se rend compte que son écharpe était d’une autre nuance que d’habitude. Freud aimait se mettre d’accord sur les vêtements: d’une chemise, ‘ “dès que je l’ai intégrée au tableau, j’ai commencé à voir comment elle pourrait fonctionner structurellement.” Je ne suis pas tout à fait sûr de ce qu’il voulait dire par là, mis à part que l’un de mes lobes d’oreille pris d’un coup le même rose.’ Ailleurs: des derbies marrons caoutchouteuses, un gilet au dernier bouton ouvert, une chevalière, le haut d’une pochette, un tweedétoffe de laine cardée plus ou moins rustique, tissée de More au motif complexe. Un modèle se souvient d’avoir choisi un costume Timothy Everest, une chemise Volpe, et une cravate Turnbull & Asser: ‘elle était effilée lorsqu’il a terminé.’ À son biographe, Freud avoue: ‘Je veux que la personne qui regarde ne se dise pas ‘qui c’est, dans cette chemise bleue?’ mais ‘qui est-ce? Oh, il porte une chemise bleue.’ Ce qui est différent, non?’
Un documentaire tardif s’intitule Des Gestes Minuscules dans des Chambres Vides. Freud conduit vite à travers Notting Hill, regarde un oiseau à Hampstead. Les images de sa fauconnerie rappellent un article de jeunesse, paru dans Vogue. Vêtu d’un pull de la Marine Marchande, gardé de son service (SS Baltrover), il pose pour le photographe Clifford Coffin dans sa chambre de Paddington. Posé sur sa main, deux éperviers qui vivaient alors avec lui. ‘Si l’on touche des oiseaux sauvages, c’est un sentiment formidable.’

COFFIN, Clifford, phot. FREUD, Lucian, peint. Paddington, Londres. 1947.

DAWSON, David, phot. FREUD, Lucian, peint. 2005.

DAWSON, David, phot. FREUD, Lucian, peint. Holland Park, Londres. 2005.

FARSON, Daniel, phot. FREUD, Lucian, peint. Dublin. 1952.

DIAMOND, Harry, phot. FREUD, Lucian, peint. BOYT, Rose, écr. BOYT, Ali. Londres. 1975.

FREUD, Lucien, peintre. Autoportrait, Reflet avec deux enfants.

FREUD, Lucian, peint. BLACKWOOD, Caroline, écr. 1953.

PARKER BOWLES, Andrew, off. FREUD, Lucian, peint. Paris. 2003.

Lord SNOWDON, phot. FREUD, Lucian, peint. Paddington, Londres. 1963.

Patrons utilisés pour les costumes de Freud chez Huntsman
- LUCIAN FREUD« du costume emprunté au tailleur sur mesure, les choix de Freud en matière de mode ont évolué avec son art »
- DAVID LYNCH« Le plus insolite des américains, le plus américain des insolites, Lynch était un homme d’uniforme. »
- LE PANTALON ÉVASÉ
- BRUMMELL« l’homme le plus sobre, le plus strict, le moins extravagant »