L'ÉPAULE

C’est souvent dans le style de son épaule que l’on parvient à distinguer la signature d’un tailleur, cette interaction complexe entre l'emmanchure et la tête de manche. Chaque tailleur préempte son territoire avec sa manière de concevoir l’épaule. Les couturiers y voient aussi l’endroit de leur singularité, qui fait dire à Martin Margiela que ce qui l’intéresse c’est l’épaule et les souliers, le reste il remplit.

Il existe de nombreux styles d'épaules différents : L'épaule pagode concave, par exemple, illustrée par la cigarette du tailleurs français Cifonelli, se caractérise par une forte inclinaison vers le bas qui élève visuellement le porteur et rehausse sa stature. Ce détail visuel est si frappant que Karl Lagerfeld s’en amusait: "Je pourrais repérer une épaule Cifonelli à cent mètres de distance ".

Une autre façon réside dans ce qu’on appelle l'épaule cigarette qui présente une transition douce entre l'épaule et la manche, à la différence de l'épaule roulée qui prévaut dans le tailoring anglais classique et dans le style florentin traditionnel.

Enfin, les ondulations ou plis de l'épaule d'une veste napolitaine, connus sous le nom de spalla a camicia, attirent l'attention sur le point le plus large de la veste, ce qui donne un aspect visuellement plus large. Cette technique de construction consiste à prendre une manche plus large et à l'insérer dans une tête de manche plus étroite, ce qui donne une ligne d'épaule qui semble s'asseoir sur la manche.

Par contraste, l'épaule romaine se situe à mi-chemin entre l'épaule anglaise structurée et l'épaule italienne non structurée (notamment avec un léger rembourrage). Ce style s'est imposé à Rome à l'époque de La Dolce Vita de Fellini.

Entre ces grands courants nationaux, ce sont d’innombrables variations et modulations qui existent, chacun y voyant un moyen de s’affirmer et de répondre aux singularités morphologiques de ses clients.