Les Boutons Dorés

Le bouton n’est pas d’abord un outil, puis un luxe. Au contraire, les premiers boutons - en corne, en bois, en coquillage - servaient d’ornements plus que de fermetures. 
En laiton émaillé, les boutons dorés étaient inaccessibles, parfois même interdits, aux classes les moins fortunées.  
Parce qu’ils rappellent le bijou, ils ont toujours été associés à l’emphase et au statut.  

Du cou jusqu’à la taille, ils apparaissent en grand nombre sur les vêtements masculins de la Renaissance. À cela, deux raisons. Les tailleurs médiévaux avaient affiné les silhouettes: les boutons maintenaient l’attrait d’un corps svelte. Mais les boutons couvraient les cotehardies sans qu’aucune fermeture ne leur soit associée.

Les manches étaient alors remplaçables : en posséder plusieurs assurait un statut. Le bouton s’en portait garant.
Lors d’une visite au roi d’Angleterre, François Ier aurait porté 13 600 boutons.  

Le bouton est un élément intime du vêtement. À plus forte raison pour les hommes, qui s’habillaient souvent seuls — contrairement aux femmes, souvent aidées. Pour un homme de la Renaissance, boutonner son vêtement rappelait un statut espéré ou atteint. La rumeur fait naître ici une distinction entre les côtés de boutonnage: celui des femmes aurait été placé à droite pour permettre à la main d’une femme de chambre de fermer le vêtement.  

Une autre légende raconte leur retour au 19e siècle. Lors d’une visite imprévue de la reine Victoria, le capitaine d’un vaisseau militaire anglais aurait fait coudre des boutons en laiton sur les vestes de son équipage.  

Le bouton doré revient par l’Angleterre: il suit l’apparition du blazer. La veste droite vient de l’apparat et du monde étudiant; la veste croisée vient du monde militaire. Tous deux ont trait à l’imaginaire naval: la marine pour le croisé, l’aviron pour les étudiants. 

Si leur valeur n’est aujourd’hui plus matérielle, les boutons dorés continuent de suggérer la distinction. Ils montrent souvent des armoiries, ou, chez Ralph Lauren, deux maillets de polo croisés. 

La veste rigide, anglaise, devient vêtement de loisir. L’héritage militaire s’adoucit Ainsi de Cary Grant dans La Main au Collet pour qui les boutons dorés ferment un blazer gris.

La veste à boutons dorés attire alors autant ceux qui veulent ressembler que ceux qui cherchent à jouer. Un mod se souvient de son premier blazer en l’appelant un ‘three chrome’ [‘trois boutons brillants’].  

Le roi du pop-art, Andy Warhol, en fait un uniforme. Comme souvent dans le vestiaire masculin, les films James Bond marquent une transition. Sur la veste croisée de Roger Moore dans L’Homme au Pistolet d’Or, puis sur une veste droite dans Moonraker, des boutons dorés. Sur lui, ils sont à la fois militaires, statutaires et pop. 

En Grande-Bretagne, il reste associé aux officiers plus âgés; aux États-Unis, les étudiants de la côte Ouest s’en emparent. Le plus célèbre d’entre eux est John F. Kennedy. 
Entre ces deux pôles, la France s’approprie le bouton doré comme un symbole musical. Gainsbourg, Dutronc font se rencontrer les Kinks et l’Ivy League. 
La veste à boutons dorés devient alors un objet pop, au même titre que le polo Lacoste ou le mocassin Weston 180.