À FAIRE AVANT DE MOURIR, GEORGES PEREC

« Pour commencer il y a des choses très faciles à faire, des choses que je pourrais faire dès aujourd’hui , par exemple :

1. Faire une promenade sur les bateaux-mouches (…).

Ensuite il y a des choses un tout petit peu plus importantes, des choses qui impliquent des décisions de ma part, des choses dont je me dis que si je les faisais, elles me rendraient peut être la vie plus facile, par exemple :

2. Me décider à jeter un certain nombre de choses que je garde sans savoir pourquoi je les garde (…).

Ou bien, un peu dans le même genre :

3. Ranger une fois pour toutes ma bibliothèque (…).

4. Faire l’acquisition de divers appareils électroménagers.

Ou bien encore (…) :

5. M’arrêter de fumer (…).

Ensuite il y des choses qui sont liées à des désirs plus profonds de changement. Par exemple :

6. M’habiller d’une façon tout à fait différente. Par exemple, me remettre à porter des cravates. Enfin quand je dis ‘me remettre’, je crois que j’ai pratiquement jamais porté de cravate de ma vie mais enfin… me faire confectionner un costume 3 pièces avec un gilet… enfin voir un peu ce que ça ferait si je changeais complètement de vêture.

Une chose que j’aimerais beaucoup faire aussi c’est :

7, aller vivre à l’hôtel, à Paris. (…) c’est un mode de vie, c’est-à-dire : tout en vivant à Paris, vivre à l’hôtel (…).

Ou bien alors dans un domaine complètement opposé :

8. Vivre à la campagne (…).

Ou alors (…) :

9. Aller vivre pendant assez longtemps dans une grande ville étrangère, par exemple à Londres ou à Zurich ou Rome (…).

Ensuite il y a des choses liées à des rêves de temps ou d’espace (…) :

10. Passer par l’intersection de l’équateur et de la ligne de changement de date (…) le méridien de Greenwich (…).

11. Aller au-delà du cercle polaire (…).

12. Vivre une expérience hors du temps (…) sans heure, sans point de repère du temps.

13. Faire un voyage en sous-marin (…).

14. Faire un long voyage sur un navire (…).

15. Faire une ascension ou un voyage en ballon ou en dirigeable (…).

16. Aller aux îles Kerguelen, (…) à cause du nom, à cause de l’éloignement (…) ou alors si c’est pas les Kerguelen ça pourrait être Tristan da Cunha, ça c’est un nom qui me plait beaucoup, il n’y a pas de ‘e’ dans Tristan da Cunha (…).

17. Aller du Maroc à Tombouctou à dos de chameau en 52 jours (…) il y a quelque part dans le Sud marocain un mur où on voit une affiche marqué « Tombouctou 52 jours » et puis des petits chameaux (…) ça doit être épuisant (…) en plus si on part avec une secrétaire on peut dicter la Chartreuse de Parme puisque c’est exactement le temps qu’il a fallu à Stendhal pour écrire la Chartreuse de Parme.

Ensuite des choses que je voudrais avoir le temps de bien découvrir :

18. J’aimerais aller dans les Ardennes (…).

19. J’aimerais aussi aller à Bayreuth, pour le festival (…) ou à Prague, ou à Vienne, ou au Prado.

20. J’aimerais boire du rhum trouvé au fond de la mer (…).

21. Avoir le temps de lire (…).

22. Voyager sur des canots (…) en péniche… faire un voyage en France.

Ensuite (…) des choses que j’aimerais apprendre, mais je sais que je veux même pas essayer parce que ça prendrait trop de temps (…) :

23. Trouver la solution du cube hongrois (…).

24. Apprendre à jouer la batterie. J’ai dis la batterie parce que j’ai l’impression que c’est un peu plus facile que du saxophone… je veux dire faire du jazz quoi.

25. Apprendre une langue étrangère. J’ai l’impression que le plus simple serait l’italien (…) mais enfin l’idée ce serait de lire Dante en italien (…).

26. Apprendre le métier d’imprimeur (…).

27. Faire de la peinture (…).

Ensuite il y a des choses qui sont liées à mon travail d’écrivain (…) des projets (…) qui dépendent de moi :

28. Ecrire pour de tous petits enfants (…) ceux qui ne savent pas lire (…) des enfants à qui les parents lisent des histoires le soir.

29. Ecrire un roman de sciences-fiction (…).

Et il y a d’autres choses alors qui ne dépendent pas de moi, qui dépendent de demandes qu’on pourrait me faire :

30. J’aimerais écrire un scénario de film d’aventure dans lequel on verrait 5000 Kirghiz cavaler dans la steppe (…).

31. Ecrire un vrai roman feuilleton (…).

32. Travailler avec un dessinateur de bandes-dessinées (…).

33. Ecrire des chansons (…).

Il y a encore une chose que j’aimerais faire mais je ne sais pas où elle se place :

34. Planter un arbre (…) pour le regarder pousser.

Et puis enfin il y a deux choses qui sont impossibles aujourd’hui parce ça implique des gens qui sont morts :

35. Me saouler avec Malcom Lowry (…).

36. Faire la connaissance de Vladimir Nabokov. »

Georges Perec dans l’émission « Mi fugue, mi raisin », novembre 1981.

1-Georges-Perec-interviewe-par-des-journalistes-peu-apres-lattribution-du-prix-Renaudot-pour-son-roman-les-Choses-Paris-22-novembre-1965

PEREC, Georges. Paris, France. 22 novembre 1965. 

Georges Perec Andre Perlstein Paris 18 avril 1969 face

PERLSTEIN, André, phot. PEREC, Georges. Paris, France. 18 avril 1969. 

3-Georges-Perec-par-Frederic-Hanoteau-Bievy-1955

HONETEAU, Frédéric, phot. PEREC, Georges. Paris, France. 1955. 

4-Georges-Perec-par-Pierre-Getzler-Paris-1962

GETZLER, Pierre, phot. PEREC, Georges. Paris, France. 1962. 

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